Du chaâbi, du maghrabi, du bédoui, du country et de l’oriental ! Des copains, venus se rafraichir le gosier et amateurs de musique, animent leur propre table, et, sans le vouloir, celle du reste d’une clientèle venue dîner et prendre quelques pots dans un des endroits tranquilles de la ville. Ces «artistes» le font pour leur plaisir, pas pour les autres clients, mais ces derniers partagent, avec joie, cet instant de liesse.
Une guitare que gratte avec nostalgie Mourad, un ancien du groupe Students, ou T. un autre mélomane, parfois A. au luth, et une derbouka…et une ambiance de fête emplit la salle. On est à la Germainerie, du nom de sa propriétaire Mme Germaine -toute une histoire-, un des plus anciens restaurants de la ville d’Arzew, mais actuellement, pour la clientèle, Chez Kader. Et -«pas souvent malheureusement», déplorent quelques clients- la soirée est vraiment festive.
Ici, même s’il n’y a pas de sélectivité, presque tous les clients se connaissent. «Je viens chez Kader parce que je connais presque tout le monde et je me sens à l’aise», avouent la plupart des clients. «Quand, en plus de la tranquillité, les amis nous gratifient d’un peu de musique et de belles chansons comme ce soir, on est gâté!», confessent d’autres.
On se relaie aux cordes, on tape des mains, on chante à l’unisson, et la soirée bat son plein. Le patron vient, de temps à autre, donner de la voix quand une chanson d’El Anka ou de Djilali Aïn Tadlès l’interpelle. Comme les serveuses qui, tout en assumant leur tâche, enflamment l’ambiance en se trémoussant, des clients, au gré de leur va-et-vient, ne peuvent s’empêcher de faire quelques pas de danse.
D’autres, enivrés… par la musique, et les garde-fous balayés par Bacchus, se déhanchent sans gêne un bon moment avant de rejoindre leurs tables. Tout le monde, il est beau, tout le monde, il est gentil ! «C’est comme ça qu’on aimerait que tous les lieux de rencontre soient conviviaux, et où l’on vient pour se distraire, et non pour autre chose», dira N. un vieux de la vieille qui prône, sans discontinu, l’amour du prochain. Chez Kader, il y a également, toutes les soirées, des débats contradictoires.
Les sujets abordés touchent à tous les domaines : on jette une question à la ronde et on défie les autres d’y répondre. Ça fait parfois chahut mais on apprend des choses. Les téléphones portables connectés à Internet aident à apporter la réponse mais l’esprit contradictoire est de mise. On questionne d’autres clients, on appelle des amis censés être informés sur le sujet, mais le plaisir réside plus dans la contradiction, et souvent pour rire un bon coup, on met en boite un des copains.
Ça gueule un «chouia»! Ça se lance des noms d’oiseaux ! Mais, à la bonne franquette, juste pour déconner un peu ! Et tout le monde s’en va avec les salutations de bienséance, une sobriété retrouvée une fois la porte ouverte. «Moi, je viens tous les soirs ici pour déstresser. Imagine un peu s’il n’y a pas cet endroit.
Où peut-on se défouler avec tous les problèmes qu’on vit au quotidien ?» lance dans une envolée, certes un peu éthylique mais pleine de bon sens, un des habitués des lieux. Des Turcs, travaillant dans la région, ont également trouvé, ici, le petit coin peinard où ils viennent «se vider» d’une dure journée de travail et qui n’hésitent pas, la timidité inhibée, à partager ces petits moments de plaisir.
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